La promenade des russes... Véronique Olmi / Livres
Un livre de Véronique Olmi. Le roman "La promenade des russes" raconte le parcours de Sonia, émigrée de la deuxième génération, qui cherche autant la vérité sur elle-même que sur sa grand-mère, via les Romanov. Interview de Véronique Olmi par Auteurs TV
Véronique Olmi a publié plusieurs romans (Bord de mer, Numéro Six, Un si bel avenir, La pluie ne change rien au désir, Sa passion) et des pièces de théâtre (de Chaos debout au Jardin des apparences ou, plus récemment, Mathilde et Je nous aime beaucoup) qui sont jouées partout en Europe.
Présentation du livre "La promenade des russes", par Véronique Olmi :
Adolescente de 13 ans, Sonia nous raconte ses années 70, chez sa grand-mère, à Nice. Là , je pourrais dire : Sonia c'est moi.
Chez la grand-mère, posé sur la table : un numéro du magazine Historia, à l'intérieur duquel est imprimée la photo d'une des plus grandes énigmes de l'Histoire : celle d'une pièce aux murs défoncés, dans laquelle se serait déroulé en 1918 le massacre de la famille Romanov. Toute la famille Romanov aurait péri sauf peut-être, la fille cadette : Anastasia. Là encore, je pourrais dire que cette jeune adolescente, terrifiée par cette photo et ce qu'on appelait alors : "le mystère Anastasia", terrifiée aussi à l'idée de voir cette jeune fille (devenue vieille) resurgir tel un fantôme égaré, cette ado pas vraiment tranquille, c'est encore moi.
J'avais peur du massacre de la famille impériale et de la possible survie de la grande duchesse, comme on a peur, tout petit, du loup ou de l'ogre. Et ma grand-mère, qui écrivait au président de la République, aux ministres, et aux directeurs de magazines, dès qu'elle était en désaccord avec eux, c'est à dire au moins une fois par semaine, me lisait ses courriers enflammés au directeur d'Historia, à propos de cette fameuse énigme : Anastasia est elle morte, comment est-ce possible et où se cache-t-elle ? Effrayants, plus ou moins sensés et ouvertement lyriques, ces courriers, loin d'apaiser mes craintes impériales, soufflaient dessus comme sur la braise !
J'adorais ma grand-mère. Je ne la respectais pas : je la vénérais. C'était une femme passionnée, orgueilleuse, cultivée, au caractère souvent difficile, obnubilée par quelques règles de vie essentielles : ne jamais faire la sieste, ni la grasse matinée, ne pas lire au lit, ne pas se tacher, ne pas rester un jour sans sortir, ne jamais s'asseoir sur un banc dans un jardin public, ni surtout, surtout : tomber dans la rue ! bref, toutes ces choses que font les vieux, à qui elle craignait tant de ressembler un jour.
Le programme était strict. On se levait tôt. On guettait le courrier -les improbables réponses de Giscard, Simone Veil, ou de journaleux moins connus. On marchait tous les jours dans Nice, avec un rythme proche du surplace, et pour moi une quasi paralysie de l'épaule : dans sa peur obsessionnelle de la chute, ma grand-mère se cramponnait littéralement à moi. J'avais autant mal que honte. Je continuais néanmoins et courageusement à la vénérer.
Quand j'ai commencé à écrire : Dis moi la vérité, il s'est d'emblée imposé à moi que ma grand-mère, celle que je transfigurais dans le roman, aurait ce que n'avait pas la mienne pour être à ce point obnubilée par le massacre des Romanov, aurait une excuse : elle serait russe. Elle aurait fui la Russie en 1924 avec sa fille et son mari, pour s'installer, comme beaucoup de Russes Blancs à l'époque, sur cette Côte d'Azur, souvent déjà connue par nombre d'entre eux. Je retrouvais mon amour pour les Russes, sur qui j'avais déjà écrit deux pièces de théâtre, je retrouvais Nice, que je n'avais encore jamais évoquée, et découvrais à quel point les deux étaient liés, l'importance de la communauté russe dans ma ville natale, et tout ce qu'elle y a apporté."
Véronique Olmi.
La promenade des russes, Véronique Olmi, Ed. Grasset, sept 2008
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